mardi 30 mars 2010

Longchenpa

Longchen Rabjam (klong chen rab 'byams) La liberté naturelle de l'esprit.
Présentation et préface de Philippe Cornu, préface de Sogyal Rinpoché.
Éditions du Seuil, coll. « Points. Sagesses » n° 66, Paris, 1994. 395 p. ISBN 2-02-020704-4

La vue absolument pure, sans limite ni centre,
Ne se montre pas comme « ceci » : sans étendue ni hauteur,
Au-delà de l’éternité et du néant, elle est libre des souillures des quatre extrêmes.
La cherche-t-on, on ne la trouve pas ; l’ayant regardée, on ne la voit pas.


Au-delà des opinions et de la partialité, en aucun cas un objet mental,
Ce n’est pas un système philosophique, elle n’est ni vide ni non-vide,
Elle ne dépend ni de la réalisation, ni de l’absence de réalisation,
Ni de calculs ou d’objectifs précis.


Puisque cet Eveil, l’absolue pureté primordiale de tout
Est sans naissance ni cessation, informulable, inconcevable et inexprimable,
C’est la sphère où pur et impur n’ont plus d’existence,
Vastitude où toutes choses sont inconcevables, égales et parfaites,
Sans entraves ni liberté, sans allées ni venues ni résidence.


Illusion de sujet et d’objet, concepts d’apparences et de vacuité,
Samsara et nirvana, bonheur et souffrances sont comme des beaux rêves et des cauchemars.
Dans l’instant même où ils apparaissent, leur nature est sans complications,
Et les circonstances de création et de cessation qui en résultent
Sont semblables à un songe, une illusion magique, un mirage,
une ville dans les airs,un écho ou un reflet sans réalité.


Puisque tous les phénomènes tels que les êtres, etc..., sont par nature non nés,
Jamais ils ne cessent, et de ce fait, il n’y a ni mouvement ni transformation dans les trois temps.
Ne venant de nulle part, n’allant nulle part,
Ne demeurant nulle part... on dirait de la magie ou un rêve...

L’ignorant croit à la réalité de l’apparence.
La considérant comme un phénomène permanent, il lui plaque la notion du « moi » et du « soi »,
Mais elle disparaît comme la jeune fille créée par magie qui s’évanouit dès qu’on la touche.
C’est que, trompé, il attribue un contenu à l’apparence irréelle.

Des six sphères de l’existence aux champs purs des bouddhas,
Il n’y a aucun assemblage d’atomes mais les perceptions propres à l’esprit des êtres.
Tout comme dans un rêve bouddhas et êtres vivants
Semblent plus réels que réels et revêtent n’importe quel visage,
Dès le réveil, ils ne sont plus que la pensée d’un instant.

Sachez que les phénomènes du samsara et du nirvana sont ainsi !
Il n’y a pas de vacuité qui contredise l’apparence,
De même que le feu est indissociable de la chaleur, le propre du feu.
La conviction d’une différence n’est qu’une distinction intellectuelle :
L’eau et le reflet de la lune dans l’eau sont indistincts dans la mare.

Apparences et vacuité sont une dans la réalité absolue.
Ces perceptions qui ne sont jamais nées sont le Corps absolu.
Leur nature immaculée est comme un pur reflet.
Puisque les considérations d’existence et d’inexistence ne sont que des errements intellectuels,

Ne revêtez d’aucune intention le contenu de vos perceptions.

L’objet perçu est aussi une image de l’esprit,
Comme le reflet d’une belle forme dans un miroir.
Ce qui, non duel, est duellement perçu
N’est que le fruit d’habitudes et d’imprégnations immémoriales,
Car bien que l’esprit et le rêve soient indissociables,
Pour celui qui est saoul de sommeil, le rêve est comme une apparence.

Sachez qu’en réalité on ne peut les séparer.
Ainsi, comme un petit enfant qui se voit dans miroir,
Les idiots admettent ou rejettent les objets extérieurs.
Quand une mère regarde le miroir, elle l’époussette,
Et de même, les véhicules de la cause et du résultat interviennent sur l’extérieur.
Quand une belle se mire, elle nettoie [pourtant] son propre visage.
Pareillement, quand vous l’aurez reconnu, regardez au-dedans de vous cet esprit.
Tel est le véhicule essentiel et intangible.

Bien qu’il n’y est pas de substance dans l’esprit,
De multiples apparences s’y élèvent en vertu des conditions objectives,
Comme des formes reflétées dans un immense miroir.

Son essence est vacuité, mais son expression naturelle est incessante,
Et le jeu miraculeux des perceptions, varié à l’infini :
Ce qui est un dans la nature de l’esprit jaillit duellement en tant que samsara et nirvana,
A l’exemple d’un cristal qui change de couleur quand on le pose sur un tissu blanc ou noir.
Cette base d’émergence (du multiple) est en elle-même immuable,
mais au gré des perceptions comme des circonstances,
Elle semble se modifier dès que l’on perçoit différentes apparences.

En vérité, rien ne change, comme dans un pur cristal.
Vide depuis toujours et sans origine, la nature de l’esprit n’est pas affectée par la perception des phénomènes du samsara et du nirvana.
L’état de Samantabhadra, qui englobe les trois temps et l’au-delà du temps,
Perfection de la base en tant qu’Essence immuable et immobile,
N’est pas affecté par les perceptions des six objets des sens,
De même que l’eau qui reflète la lune.

Dans le samsara et le nirvana, semblables à une apparition fantomatique inexistante,
N’acceptez rien, ne rejetez rien, ne niez rien, n’affirmez rien, n’ayez ni espoir ni crainte !
Reconnaître qu’il s’agit la d’un fantôme, c’est la liberté !
Même captivé par la vue d’une armée fantasmagorique,
Quand vous en reconnaissez la nature, vous n’êtes plus sujet à la terreur panique ;

Désormais, nul besoin de repousser au loin les objets de la perception.
Car l’expression du samsara est la nature même de l’esprit.
Puisqu’il est au-delà de la souffrance et que rien n’y est jamais né,
Voir que la nature du devenir est l’esprit, c’est la liberté.
A cet instant, il n’y pas d’autre paix à réaliser.

Plutôt que d’avoir peur de ses propres troupes comme étant l’ennemi,
Vous réalisez qu’elles ne surgissent pas d’un ailleurs et retrouvez votre bien-être.
Aujourd’hui, les bénédictions de mon glorieux maître
M’ont montré que toutes les pensées samsariques sont le Corps absolu.
C’est alors que du dedans émerge une félicité toute naturelle !

Nul besoin d’accepter ou de rejeter quoi que ce soit, le monde phénoménal m’apparaît comme le maître ;
Les instructions prennent une dimension infinie et toutes choses sont les amies de l’éveil…
Non seulement paisible, le bonheur de mon esprit est continuel !
Tout me réjouit, et de la réalité absolue jaillit le déploiement incessant des multiples phénomènes :

Corps absolu et Corps formels, apparences et vacuité, double accumulation,
Méthodes et suprême connaissance sont spontanément présents dans la méditation ci-après.
Non créés, autonomes, les cinq Corps et les cinq Sagesses sont parfaits dans rigpa, sans qu’on s’attache aux perceptions ni à l’esprit.
Ce sont les terres et les voies, les mantras et les recueillements,
L’authentique état de la réalité où les qualités sont spontanément complètes.

Le grand lever naturel de rigpa, libéré de tous les opposés,
N’est pas corrompu par l’objet ni ligoté par le sujet.
Dans ce pur état non duel où tout a la nature de l’illusion,
A quoi bon penser, s’exprimer, se recueillir ou méditer ?

Ici, point de phases de création et de perfection, point de division ni d’union,
Point de thèses philosophiques ni de distinction de véhicules,
Ce ne sont là que de purs concepts, des imageries intellectuelles.
Dans l’émergence naturelle, il n’est question que de liberté spontanée !

Ce rigpa ne se fixe aucun but particulier.
N’allez pas le tenir pour « ceci » ou « cela », il dépasse l’intellect.
La nature de l’esprit, incréée et spontanément parfaite
N’est pas altérable par les antidotes correcteurs.- Laissez-là toute à l’aise !

Quand elle n’est pas altérée par le piège de la concentration,
La réalité où s’égalisent réalisation et non-réalisation
Est dans son état naturel, ni existante ni inexistante, ni apparente ni vide.
Vous ne pouvez la qualifier d’unique ou de multiple,
Elle transcende vue et méditation, ne peut être accomplie ou dissipée ;
Elle est sans allées ni venues.

Pour que cesse la croyance aux deux vérités,
On dit « sans limites », « non duel », « illusion magique », « rêve »…
Mais dans l’état naturel, il n’y a ni vérité absolue ni vérité relative.
On peut bien l’examiner, elle n’est pas ainsi.
La tenir pour « ceci », c’est la mettre en cage.
Quelle que soit votre intention, vous chutez dans la croyance.

Le flot du samsara ne s’interrompt pas à coups d’efforts.
Vous errez dans cette existence à cause du bien et du mal :
Bonheur, malheur, conditions élevées et basses, cela ressemble au seau d’eau qui monte et descend dans un puits !
Au fil des trois temps, les êtres dans les trois domaines samsariques,
Tourmentés par la maladie de pourchasser les concepts nés de l’ignorance.
Quelle pitié, tous ces êtres pour qui il n’y a ni début ni fin dans le temps !

Kyé ho (écoutez) ! Tout cela n’est que rêve et illusion.
En vérité, il n’y a ni cercle vicieux ni quelqu’un qui tourne en rond.
Là où tout est libre depuis toujours, c’est Samantabhadra.
Réjouissez-vous puisqu’il n’y a ni fond, ni origine, ni substance.
Sans artifice et originellement pure, la nature de l’esprit
N’est pas affectée par les phénomènes du monde, pareils aux reflets dans un miroir.

Sans concevoir d’objets dans la sphère des perceptions
Ni imaginer un sujet dans l’esprit qui s’élève de lui-même,
La Sagesse non duelle émerge de cette double perception,
Tandis qu’objets et esprit se déploient comme ses ornements incessants.

L’éléphant qui ne s’approprie rien erre librement dans la plaine.
Sa démarche est celle de la liberté naturelle, et il se pare des filets de la non-dualité.
Il a victorieusement traversé les marais de l’acceptation et du rejet, de l’espoir et de la crainte,
Et fort de son pouvoir de réalisation, il plonge dans l’océan de la non-dualité.

Libre et sans retenue, le processus de l’émergence-libération
N’est pas entravé par la corde de l’attachement aux antidotes.
Grande vague, elle préserve l’ouverture de la vue dans sa complétude ;
Puissante énergie, le monde phénoménal y apparaît dans sa perfection comme le Corps absolu.

Les six objets sans obstacles des sens et celui qui les perçoit sont essentiellement vides.
Illimitée, la nature de l’esprit libre et sans buts !
Samsara et nirvana n’y sont pas deux et rigpa atteint la base primordiale.
On appelle cela « trouver l’accomplissement suprême ».

Puisque vous atteignez la perfection du double but, pour vous-même et autrui,
C’est l’éveil authentique dans le royaume de l'insurpassable Akanishtha.

Hélas ! Les adeptes de la concentration, pareils à du bétail,
Pratiquent l’arrêt des pensées et demeurent dans l’absence de discursivité,
Mais ce qu’ils nomment « état naturel » n’est en réalité qu’une obstination orgueilleuse.
Avec l’habitude ils chutent dans l’animalité,
Et s’ils ne s’y accoutument pas, ils se concentrent encore et atteignent les royaumes du sans-forme,[3]
Où ils n’ont plus aucune occasion de se libérer du samsara.

Ainsi plus ils s’enorgueillissent,
Plus ils sont possédés par le démon de leur propre système.
Lancés à la poursuites des fictions nés de leur esprit,
Ils ne voient point le contenu du réel à cause des souillures conceptuelles.
Bien qu’ils évaluent les deux vérités, ils chutent dans les extrêmes de l’éternel et du néant ;
Bien qu’ils traitent du sans-limites, ils professent une vue qui n’est que le pic de l’expérience mondaine.

Quoi qu’ils fassent, ils sont coincés par leur système,
Et jamais ils n’auront le moindre aperçu de la Sagesse primordiale naturelle.
La condition naturelle leur est voilée par les pensées, le verbiage et les imaginations.
Puisque ces moyens sont impropres à une reconnaissance réelle,
Le chercheur manque le but recherché.

L’esprit et la Sagesse primordiale sont comme l’eau et l’humidité.
Ce à quoi on ne peut rien ajouter ni retrancher dans les trois temps,
Le mental le corrompt en discriminant, acceptant ceci, rejetant cela.
Quoi qu’il apparaisse, objet ou pensée, c’est l’essence naturelle,
Mais si vous vous attachez aux opinions et aux partis pris, c’en est fini de l’espace !

Si vous désirez sur le champ le Corps absolu inimaginable,
Ne vous lancez pas dans la recherche effrénée d’un pays de l’état naturel.
Eliminez votre désir de faire du roi de tout ce qui émerge un but conceptuel,
Il ne peut être cerné par l’opinion, ni reconnu comme « tel ».
Quel que soit sont mode d’émergence, il n’existe pas ainsi,
Quelle que soit son apparence, il n’a pas de nature propre.

Au niveau ordinaire, l’esprit et ses perceptions sont libres depuis toujours, dans une dimension ouverte ;
Telle est la vue de Grande Perfection naturelle.

Bien que la métaphore du ciel désigne la nature des phénomènes,
Les phénomènes ne sont pas concevables comme l’est la nature du ciel. « La nature de l’esprit est non née », « les phénomènes sont semblables au ciel »,
Ce ne sont là qu’étiquettes et désignations conventionnelles.
Débarrassé des opinions sur « être et ne pas être », au-delà de la pensée,
L’égalité unique et parfaite depuis toujours ne peut pas être désignée comme « ceci ».

Kyé ho ! L’existence phénoménale est pure en elle-même.
Rigpa sans attachement se lève soudain dans toute sa pureté.
A peine apparu, il ne demeure nulle part.
Un jour vous la verrez comme la Grande Perfection libre en elle-même.

La nature de l’esprit, libre de toute origine et primordialement pure,
N’a ni cause agissante ni créateur. Quel bonheur !
Dans rigpa, où toutes choses sont sans références ni buts,
S’abolit l’étiquetage « ceci, cela ». Quelle extase !

Vue et médiation ne chutent ni dans la partialité ni dans les opinions extrêmes,
Point de largeur ni d’étroitesse, plus de haut ni de bas. Quelle joie !
Action et fruit sont au-delà de l’acceptation et du rejet, de l’espoir et de la crainte,
Il n’y a donc plus d’obtention ni de non-obtention. Quel bien-être !

Toutes choses ne sont que des fantasmagories parfaites en elles-mêmes,
Qui n’ont rien à voir avec bien et mal, adoption et rejet. Quel éclat de rire !
Les perceptions sont confuses, évanescentes, obscures ou vaporeuses, inconstantes, transparentes et naturelles,
Mais l’esprit ne s’approprie aucune d’entre elles en décrétant « ça consiste en ceci », « ça se manifeste en cela »…
Etre, ne pas être, c’est l’intellect ; au-delà, c’est le Corps absolu.

Face à des objets sans finalité s’élèvent des perceptions sans réalité.
Dès que la conscience sans attachement se libère non duellement,
Les phénomènes mentaux des perceptions se déploient comme la symphonie de l’esprit.

Sans substance, la nature de l’esprit n’a ni fondement ni origine,
Et toutes les qualités y sont parfaites, non créées et spontanées.
Négations et affirmations se libèrent dans le Corps absolu et l’esprit trouve le bonheur.

Toutes les conceptions sont artificielles :
Ce qui s’élève est inconcevable et cette émergence est l’évidence de la Sagesse.
Ainsi, rejet et adoption se libèrent dans leur état naturel, et l’esprit trouve le bonheur.
Puisque rejet et adoption sont libres dans leur propre condition, l’objet de la pensée est transcendé.

Le plein éveil dont la nature pure inclut tout
Ne peut être trouvé hors de la nature de votre esprit.
Ailleurs, le chercheur s’égare et l’objet de sa recherche n’a plus lieu d’être.
Pareille à une illusion magique ou à l’eau d’un mirage,
La croyance qui divise en samsara et nirvana ce qui n’est pas duel
S’éteint en rigpa né de lui-même, sans que rien n’y soit corrigé ni altéré.
Celui qui voit l’égalité de tous les phénomènes
Réalise la nature de l’esprit non né semblable au ciel ;
Il atteint la sphère où apparences et devenir, univers et êtres sont purs en eux-mêmes,
L’état d’égalité de la parfaite spontanéité incréée.

Quand vous reconnaissez que perception et esprit ont pour essence la vacuité, le Corps absolu lui-même,
Que leur existence incessante est l’expression du Corps de jouissance,
Et que leurs multiples aspects sont le Corps d’apparition,
Tous les phénomènes sont la pure sphère des Trois Corps et des cinq Sagesses.
Il n’y a donc plus lieu de rejeter les fabrications artificielles…
Quel bonheur !

Ema (Merveille)! A cause de leurs croyances dualistes, les êtres demeurent à présent dans un samsara onirique et illusoire.
Il en sera ainsi tant qu’il y aura des causes et des effets samsariques :
L’accoutumance à la base universelle non discursive vous plonge dans l’illusion du domaine sans forme ;
La conscience de base vous illusionne dans la forme pure,
Et l’expérience des six consciences vous fourvoie dans le domaine du désir.
Que sur les marches d’une existence fabriquée par l’esprit,

Ceux qui souhaitent se libérer entrent calmement dans le non-agir,
Où l’esprit demeure dans sa condition naturelle sans artifices !
Alors, la conscience de l’ordinaire, détendue et sans occupations,
N’est plus altérée par la conviction d’un samsara et d’un nirvana, et se libère dans son propre domaine.

Ainsi libérée, à l’instant même où elle se détend dans son cours naturel,
Elle Corps absolu sans discursivité.
Base d’émergence incessante, vide et lumineuse,
Elle est perfection du Corps de jouissance ;
Et quand elle s’exprime, décidez qu’elle est le Corps d’apparition.
Alors pour sûr, les pensées discursives du cercle vicieux passent dans l’au-delà des souffrances.

Kyé ho ! Bien que les perceptions et l’esprit aient le mouvement pour nature,
Contemplez le miroir du Corps absolu qui n’a pas de but préétablis :
L’émergence du non-attachement à des phénomènes sans finalité
Est le secret de l’esprit : rien d’autre à montrer !

C’est l’expression naturelle du rigpa spontané, le contenu essentiel de tout ce qui surgit.
Ce courant naturel, ne le corrigez pas, ne l’altérez pas.
A la nature insubstantielle des phénomènes
Répond le ciel de l’esprit qui n’a ni pourtours ni centre.
Bien qu’elle s’élève d’elle-même, incréée et inobstruée,
Cette condition naturelle ne peut être appréhendée par la négation ou l’affirmation ;
Sachez qu’elle est immobile et immuable dans les trois temps !
La Sagesse primordiale naturelle où objets et esprit sont inséparables
Est révélée par la réalisation et ne peut être démontrée.
L’état naturel de l’esprit ultime est magnifique.

Concentration inébranlable, connaissance analytique et discernante,
Autorité des écrits, instructions secrètes ne sont qu’objets de compréhension intellectuelle.
Jamais ils ne permettent l’atteinte de la Sagesse primordiale nue.
Même si vous avez pointé le ciel du doigt, disant « c’est ceci »,
Le ciel de l’esprit n’est pas un objet visible, et l’analogie n’est qu’une distinction destinée à la compréhension.
Quand point la réalisation par la bonté du maître,
C’est comme un soleil qui dissipe les ténèbres.

A peine voit on toutes choses comme le Corps absolu dans un éclair de rigpa
Que l’ignorance devient la Sagesse et les passions le signe des cinq Sagesses.
Vous vous consacrez à votre pratique sans que rien ne puisse vous ébranler,
Et vous obtiendrez dans cette vie même les accomplissements ordinaires et suprêmes.

Les sots haïssent le monde et recherchent le nirvana,
Mais jamais ils ne le trouvent. Ils jettent un joyau précieux
Pour se saisir d’un autre à purifier.
Mais une fois nettoyé de ses souillures, ils ne trouvent qu’une verroterie sans valeur.

Reconnaître en soi ce très précieux joyau de la liberté naturelle de l’esprit
Dissipe les souillures de la méprise ;
Cette reconnaissance même est un trésor de qualités :
C’est le cœur qui unit les deux buts, pour soi et pour autrui.

Quand se lève la réalisation de la nature de l’esprit,
Ce qui en jailli demeure dans l’état du corps absolu, comme les vagues dans l’eau.
Qu’importe son mode d’apparition, vous n’avez ni à l’affirmer ni à le nier.
Rien dans le temporel ne nécessite la confirmation ou la négation.

Ce yoga où l’esprit est heureux en toute occasion
Est le grand yoga du fleuve ininterrompu.
Tout est égal dans la grande nature,
Et il suffit d’un éclair de présence pour voir qu’elle est transparence lumineuse.

Tout ce qui en jaillit demeure de même dans l’état réel.
Quand paraît le rigpa de luminosité, sans limites ni centre,
Passions et antidotes ne sont point séparables.
Ainsi, attachements et renoncements, pertes et gains, espoirs et peurs se libèrent dans leur propre condition.

Si vous ne reconnaissez pas que la lampe est couverte de joyaux,
Vous attribuez la clarté de la lampe aux joyaux.
Si vous ne distinguez pas l’expérience d’autolibération de la concentration,
Vous vous égarez en vous attachant à l’émergence-libération.

Si vous ne savez pas distinguer l’expérience de la réalisation,
Vous prenez à tort les expériences banales pour la réalisation.
Dans la réalisation, il n’y a ni bien ni mal, ni mouvement ni changement dans le temps.
Une fois maîtrisée, qualités et expériences s’y produisent.

Ainsi, bien que les quatre éléments évoluent et se transforment au sein de l’espace,
Ce dernier, comme un ciel bleu, n’en est jamais affecté.
De même pour le yogi qui réalise la nature de l’esprit,
Il n’y a ni bien ni mal dans la compréhension des phénomènes qui croissent ou diminuent.

Si bien et mal surviennent, il s’agit d’une expérience et non de la réalisation.
Après avoir recherché auprès des saints une réalisation décisive,
Demeurez dans l’égalité de cet état immuable !
Méditez cela, c’est la vue du sens réel.

Ceux qui ont une capacité supérieure sont libérés par une telle vue ;
Ils ne dépendent plus de l’expérience – tout s’élève comme la réalisation !
Puisqu’il n’y a rien à rejeter, il n’y a pas davantage de méthode de renonciation,
Car les médicaments sont inutiles au bien portant.

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